Départ (1)

Publié le par tibou

Le contrôleur annonce qu'il est arrivé à destination. Pendant le trajet, il n'a cessé de regarder à travers la vitre. Son visage, en transparence, et le paysage lorrain, mort, gris, blanc. Il neige depuis plusieurs jours. Avec un peu de chance, il aura droit à un Noël blanc. Il aime bien, ça lui rappelle son enfance, la route glacée qui servait de piste de luge et les engueulades des adultes qui trouvaient ça dangereux; les bobs improvisés avec des sacs poubelle et du foin, qui glissaient 2 fois plus que ceux qu'on achetait en ville; le champ près du blockhaus, sa petite descente et la mare gelée en contrebas. Le but du jeu était d'arriver à ne pas casser la fine couche de glace en descendant la piste. Une année, il avait passé Noël au lit avec 40° de fièvre à cause de sa défaite, la veille, au jeu de la mare.


Aujourd'hui il regarde. Il observe les arbres sans feuilles, le ciel sans soleil. Paysage désolé, monotone, mais qui inspire calme, silence. Et puis la ville. La neige en ville n'a rien de beau, ou de poétique, elle perd tout ce qui fait son charme à la campagne. En ville, les enfants font des bonshommes de boue, les gens glissent dans une substance brunâtre, le sel colle aux vêtements. Elle devient un hideux et sale désagrément, dangereux et sournois. Fière et rancunière, elle se venge sur ceux qui la défigurent.


L'hiver, et Noël plus particulièrement, n'est pas la meilleure période de l'année pour découvrir Nancy. Le ciel plombé s'accorde aux tons grisâtres des bâtiments pour en faire une ville triste, où seules les places Stanislas et Carrière parviennent à garder du cachet, grâce aux dorures, aux grilles en fer forgé et aux fontaines qui les entourent. Le centre-ville est noir d'un monde en retard pour les achats de cadeaux, ou de curieux venus découvrir le minuscule marché de Noël sur la place Maginot. Tout le long de la rue St-Jean/St-George, l'artère principale du centre, des hauts-parleurs crachent la voix de jeunes femmes faussement enjouées qui chantent des comptines insupportables. En dessous de l'un d'eux, devant la vitrine d'une chocolaterie de luxe, un SDF vend le journal de l'association qui l'aide à trouver un logement.


Lui fait partie de toutes ces personnes qui traînent des pieds jusqu'au dernier moment pour trouver un cadeau à ses proches, et qui râlera contre les imbéciles qui traînent des pieds jusqu'au dernier moment pour trouver un cadeau à leurs proches lorsqu'il arpentera les rues de la ville à la recherche du bonheur des autres. Au moins sait-il où il va le trouver. Se frayant un chemin dans la marée humaine qui sort du tram en même temps que lui, il se dirige vers une petite bouquinerie pressée entre une boutique de vêtements féminins et une bijouterie. Contrairement à la plupart des magasins, la minuscule vitrine n'est pas décorée. Le seul sacrifice à la tradition est un minuscule sapin en plastique à peine enguirlandé et posé sur le comptoir. Les bouquinistes ne font pas leur beurre à Noël, il est mal vu d'acheter un livre d'occasion pour la fête du mercantilisme.


A suivre.



Publié dans tiboudblog

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P
Comme elle a l'air vachement top ton histoire , on va te chercher une suite à la hauteur . Bien que ça va etre dur puisque le titre est " Départ" alors que le type est dèja arrivé . A moins de sous entendre que le livre va le faire voyager dans sa tete et  oublier un peu son trou à merde gelé .Ou sinon qu'il va finir par se pendre parce personne en veut de son cadeau pourri .    Enfin , tu peux trouver pire si t'as rien à foutre pour Noel ,j' 'te fais confiance . Mais fais pas le con hein , joues pas le sentimental !<br />  
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C
et tu veux faire bosser les autres à ta place? je le crois pas...
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T
susie> imagine la suite dans ta ptite tête et soumets la moi...cécile> oué ben hein.
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C
quelle couleuvre ce tibou :))
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C
oué sauf qu'on sait même pas pas combien de temps on va l'attendre ... la suite
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