Choisis ton camp, camarade (4) : Fin?

Publié le par tibou

On l'a vu, le discours des éditeurs alternatifs, Menu en tête (mais Gauthey n'a pas non plus sa langue dans sa poche) monte en aggressivité, et ne ménage pas les éditeurs importants, comme Soleil, Casterman, Delcourt ou les Humanos. Un discours qui cadre avec la position de Menu "contre" les gros éditeurs. Menu n'a aucune envie d'emmener le petit monde de l'édition de bandes dessinées vers des cieux meilleurs, il constate et se désolidarise nettement dans Plates-bandes du microcosme.

L'un des plus touchés, parmi les "gros", est Mourad Boudjellal, à la tête de Soleil et qui finance également le magazine Bandes dessinées Magazine. Loin de moi l'idée de reprendre une bataille pro et anti-Soleil sur ce blog, elle a lieu toutes les deux semaines sur ton forum préféré, lecteur, quel que soit le nom du forum. Cette bataille ne m'intéresse que peu. Par contre les raisons profonde de celle-ci m'intéressent au plus haut point. Et je pense que celles-ci vont un peu plus loin que l'opposition livre de qualité/daube HF brandie un peu partout.

Mettons avant tout les choses au point : je me situerais plutôt dans le camp de Menu. Je ne boycotte pas Soleil, j'achète, et je continuerai d'acheter certains de leurs livres. Ceux que je possède ne sont pas nombreux, mais de qualité. J'aurais du mal à dire par conséquent que Soleil ne sort que des étrons par paquet de douze. C'est faux, bien entendu. Voila qui est clarifié.

Par contre, il faut bien avouer que leur stratégie éditoriale n'incite pas à la qualité, loin s'en faut, et c'est là que je rejoins Menu. Soleil est complétement dans le microcosme cher à Menu. La stratégie Soleil, c'est la standardisation poussée très loin : format, thèmes, styles... , et le caressage du collectionneur dans le sens du poil : intégrales lanfeust "millésimées", plusieurs couvertures pour Lanfeust selon le point de vente... On valorise l'objet commercial, non le livre en lui-même et encore moins le contenu.

Je reviens sur le côté très standardisé, parce que je sens bien lecteur, que tu ne vas pas me laisser m'en tirer sans une petite explication. Force est de constater tout d'abord que si la plupart des autres font des efforts aujourd'hui pour proposer des livres à des formats différents, Soleil reste cantonné à son 46CC, grand format. Les maigres tentatives de changements (la collection Lattitudes, dont le prix (du au carton? je ne vois pas vraiment d'autre explication) prohibitif marginalise d'emblée le lectorat. En outre, le changement de format est pour le moins frileux, et rapproche la collection d'un ensemble d'objets de luxe. Les rééditions de vieux classiques comme le Spirit, elles aussi à des prix élevés) ne donnent pas l'impression que l'éditeur croit à ces alternatives. Pire, la collection Soleil levant, sensée présenter un mélange entre Franco-belge et Manga, ne réussit qu'à offrir une succession de clichés de manga (gros yeux, découpage sensé être dynamique, et qui ne réussit qu'à être fouilli) à scénario typique Soleil et enrobés dans le sacro-saint 46CC. Et Boudjellal de nous dire dans les éditeurs de Bande dessinée : "Mais demain, on va connaître un nouveau genre. On ne peut pas encore le définir avec certitude, ce sera le mélange du manga, des jeux vidéo et de l'héroic fantasy.(...) Pour vous dire à quel point j'y crois, je n'hésite pas à déclarer que la collection Soleil Levant sera à terme l'avenir de ma maison d'édition.". Tremblons.

Soleil ne pense qu'en terme de genre, de catégories, malheureusement. SF, Heroic fantasy, ce genre "nouveau" et artificiel qu'est la collection Soleil Levant... Tout est catégorisé, à tel point qu'on se demande ce que fait Farid Boudjellal dans ce catalogue, de même que Sylvain Ricard et Christophe Gaultier. Alors bien sûr, qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit, il peut très bien y avoir des pépites d'or avec ce système, les auteurs que je viens de citer en faisant partie, au même titre que Denis Bajram ou N'Guessan. Il n'empêche que ce système favorise les clones, et rend les choses plus difficiles pour les autres. Voyons le sort réservé par exemple à la collection Soleil kids, ou le départ de Ricard et Gaultier. Le clone, c'est plus facile à ranger, le lecteur va pouvoir le mettre dans son étagère fantasy à côté de Lanfeust (ou dans son étagère SF à côté de Kookabura). Et je ne dis pas non plus que ce système n'a pas cours chez les autres éditeurs. Mais Soleil a fait de ce système sa marque de fabrique.

J'ai écrit il y a quelques jours dans les commentaires que Menu (et aucune maison alternative à ma connaissance) n'était pas un élitiste. Je le maintiens. Pourtant, beaucoup de ses détracteurs l'attaquent en brandissant ce mot comme une insulte (ce qu'il n'est pas, jusqu'à preuve du contraire), et opposent la bande-dessinée de ces alternatifs à une bande dessinée "populaire" faite par des éditeurs comme Soleil ou Delcourt. Il faudra bien se rendre compte pourtant qu'aujourd'hui, la bande dessinée Franco-Belge n'a plus grand chose à voir avec le populaire (et le manga est en passe de prendre le même chemin, ce qui est une abérration totale), n'en déplaise à Boudjellal. Comment qualifier de "populaire" un medium qui se vend par tranches de 46 pages à 12 euros 50 ? La bande dessinée fut populaire, de cela il n'y a aucun doute. Les petits formats, les albums brochés, tout cela faisait que la bande dessinée était abordable par à peu près tout le monde. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les gros éditeurs veulent faire du populaire ? Qu'ils changent leur format (encore une fois), qu'ils arrêtent de valoriser l'objet commercial et se décident à faire des livres abordables, qu'ils se débarassent de cette saloperie qu'est le carton, qu'ils arrêtent de nous prendre pour des imbéciles avec ce "grand format" apparu seulement pour augmenter le prix du livre, bref, qu'ils cessent de nous vendre une fausse apparence de luxe, comme une fiat panda à laquelle on aurait fixé un bouchon de radiateur Rolls Royce. Le bouchon, on s'en fout, on veut juste la bagnole. Le créneau populaire, c'est du côté du manga qu'il faut aller le chercher aujourd'hui, pas du côté du Franco-belge. Et encore, plus pour longtemps. Bref, si un éditeur veut faire du beau livre, qu'il le fasse, avec le sérieux et la rigueur d'un Cornélius, par exemple. S'ils veulent faire du populaire qu'ils le fassent comme ils savaient le faire il y a une vingtaine d'années. Le populaire, ce n'est pas faire des catégories à la con et raboter ce qui dépasse, ce n'est pas faire attendre un lecteur 1 minimum an pour 46 pages à suivre, c'est faire des livres abordables, dans tous les sens du terme. La forme conditionne en partie le fond. A format standard, produit standard (et j'utilise le terme "produit" intentionnellement)

Malheureusement, aujourd'hui, on semble ratatiner ce terme noble et en faire un vague erzatz synonyme de clone facilement identifiable. Triste destin. Le popualire, c'est aussi la diversité des thèmes et des styles. Donjon le prouve à chaque album.

J'ai dit que nous vivions une époque formidable. Je le maintiens, malgré cette conclusion un peu défaitiste. Nous sommes à un tournant. C'est demain que va se décider une nouvelle façon de faire de la bande dessinée, que nous nous débarasserons de toutes ces casseroles. Pour la périodicité accrue, plusieurs tentatives interessante (du point de vue du concept) sont apparues : Donjon, bien sûr, mais aussi Le décalogue ou La compagnie des glaces quand le système sera rodé. Pour le prix; les Best-sellers Glénat d'il y a deux ans étaient une idée excellente, malheureusement pas renouvellée Par contre, l'attrape couillon de Delcourt et Soleil (1er tome à prix réduit, après on paie le prix fort) n'est qu'un misérable cache-misère. Niveau format, ça bouge timidement (Casterman, qui semble tiraillé avec sa collection Ecritures entre se démarquer (format) et rester dans le rang (maquette, standard). Il y a cependant un problème de fond avec cette collection : on semble vouloir se rapprocher du beau livre, mais sans s'en donner les moyens. Etrange).

Les changements, cela s'accompagne toujours de tiraillements, de coups de gueule, de prises de positions tranchées. On le voit ici avec cette cristallisation des avis autour de Menu le Pitbull et de Boudjellal le faux Caliméro. Choisir mon camp ? Oui, celui de Menu, quand il dit que chacun se doit de faire son boulot. En l'occurence, que les gros fassent de la bande dessinée populaire, c'est mon voeu le plus cher. Qu'ils arrêtent de le dire et qu'ils se sortent les doigts du cul une bonne fois pour toutes.
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M
p'tain... salaud... t'as pas le droit de dire ca... c'est une bonne voiture la Fiat Panda...<br /> je te hais :p
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H
Fin ? Non, pas Fin ! J'en veux encore !!!
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